Les scientifiques du Max Born Institute (MBI) ont réalisé une percée significative dans la technologie laser, caractérisant entièrement des impulsions lumineuses extrêmement courtes (quelques femtosecondes) accordables sur le spectre ultraviolet sous vide (VUV). Cette avancée ouvre de nouvelles possibilités pour étudier la dynamique des électrons dans les matériaux avec une précision temporelle sans précédent et promet de révolutionner des domaines allant de la science des matériaux à la physique chimique.
Le défi : mesurer les impulsions VUV ultrarapides
Générer et mesurer des impulsions lumineuses dans la région VUV constitue depuis longtemps un défi majeur pour les scientifiques. La plupart des matériaux présentent des résonances électroniques dans les plages UV profondes et sous vide, ce qui signifie qu’ils absorbent fortement la lumière à ces longueurs d’onde. Cette absorption, combinée à la relation de Kramers-Kronig, conduit à une dispersion élevée du matériau, ce qui rend extrêmement difficile la manipulation et la mesure précise de ces impulsions fugaces.
Une nouvelle technique : l’émission d’ondes dispersives résonantes (RDW)
Le développement de cette capacité s’appuie sur les travaux de John C. Travers de l’Université Heriot-Watt, au Royaume-Uni. Travers a été le pionnier d’une technique utilisant l’émission d’ondes dispersives résonantes (RDW) suite à l’auto-compression du soliton dans des guides d’ondes. Ce processus permet de générer des impulsions UV accordables très courtes (niveau µJ), couvrant une large gamme de longueurs d’onde allant jusqu’à 110 nm.
Fondamentalement, la disponibilité de guides d’ondes creux de haute qualité, développés grâce à l’étirement de capillaires flexibles, était essentielle au succès de cette technique. Cette innovation, créée conjointement par Travers et Peter Simon de l’Institut für Nanophotonik Göttingen e.V., en Allemagne, a ouvert la voie à de nouvelles avancées.
Caractériser l’inmesurable : Electron FROG
Malgré les progrès antérieurs, les longueurs d’onde les plus courtes du VUV (100 à 200 nm) sont restées largement inexplorées en raison de l’absorption et de la dispersion extrêmes inhérentes aux matériaux à ces fréquences. Aujourd’hui, les scientifiques du MBI ont réussi à étendre la possibilité d’utilisation de la technique RDW à cette gamme spectrale insaisissable du VUV.
Leur innovation clé est une nouvelle technique de caractérisation appelée electron FROG, une variante sophistiquée du déclenchement optique résolu en fréquence (FROG). Cette technique utilise l’ionisation à deux photons des gaz rares pour fournir une non-linéarité unique. En mesurant avec précision le spectre d’énergie cinétique des photoélectrons résultants, les scientifiques peuvent décoder la forme et la durée des impulsions VUV ultracourtes.
Comment fonctionne Electron FROG :
- Deux impulsions illuminent une cible de gaz noble.
- Les impulsions ionisent le gaz, générant des photoélectrons.
- Le spectre d’énergie cinétique de ces photoélectrons est enregistré en fonction du délai entre les deux impulsions.
- Un algorithme spécialisé de récupération de phase reconstruit ensuite la forme de l’impulsion à partir du spectrogramme résultant.
Un avantage unique : les empreintes digitales atomiques
Electron FROG offre un avantage significatif par rapport aux techniques standards : les spectrogrammes mesurés révèlent non seulement la forme de l’impulsion mais intègrent également « l’empreinte digitale » de la structure atomique du gaz cible. Cette influence subtile a nécessité le développement d’un nouveau code de récupération de phase basé sur un algorithme d’évolution différentielle.
La précision des mesures a été rigoureusement validée par des comparaisons avec des calculs de mécanique quantique ab initio (TDSE). Les résultats montrent que les impulsions VUV générées par RDW ont une durée incroyablement courte de 2 à 3 fs, ce qui correspond aux simulations précédentes.
Sonder la dynamique moléculaire avec des détails sans précédent
Au-delà de la caractérisation, l’appareil électronique FROG a été utilisé pour des mesures pompe-sonde sur de petites molécules organiques, telles que l’éthylène. Ces mesures, réalisées avec une résolution temporelle inégalée, fournissent de nouvelles informations sur les premiers stades de la dynamique de relaxation suivant la photo-excitation. Actuellement, les chercheurs analysent les données et les comparent à des simulations dynamiques moléculaires sophistiquées pour bien comprendre les processus sous-jacents.
Cette avancée dans la caractérisation des impulsions VUV ouvre une nouvelle ère pour sonder la dynamique des électrons de valence et promet d’approfondir notre compréhension des matériaux à un niveau fondamental.
La capacité de mesurer et de contrôler avec précision ces impulsions VUV ultrarapides stimulera sans aucun doute davantage d’innovation dans diverses disciplines scientifiques, permettant ainsi des recherches sans précédent sur le comportement moléculaire et matériel.


























